Entreprenariat Educatif Européen
      

Propositions pour la Loi d'Orientation de 2004

Proposition de contribution 
à la rédaction de la loi d’orientation 
provenant d’échanges 
de pratiques professionnelles pendant plusieurs années
avec des chefs d’établissements européens.
 
Septembre 2004

 

Rédacteur : Nelly GUET
nellyguet@yahoo.com
Secrétaire Générale d’ESHA France
Membre du Bureau Exécutif Européen,
à compter du 1er janvier 2005
 

 

INTRODUCTION 

Une loi d’orientation rédigée en 2004 ne peut, à mon sens, faire abstraction de l’évolution des systèmes éducatifs européens.

Le travail effectué au sein de notre association nous prouve que partout les mêmes questions se posent :

1)      Nous devons par conséquent nous enrichir mutuellement en connaissant les réponses apportées par les autres organisations scolaires.

2)      Nous devons nous donner les moyens de chercher conjointement des réponses communes à ces mêmes préoccupations.

I.  ETAT DES LIEUX

Une organisation telle que la nôtre, qui emploie 1,5 millions de personnes n’est plus opérationnelle.

Il est urgent  de la réformer, faute de quoi, nous retrouverons dans 10 ans les problèmes non réglés, amplifiés, lourds de conséquences.

En Europe, d’autres l’ont fait avant nous : ainsi l’Allemagne fière de ses atouts, s’est inclinée très pragmatiquement devant le constat de l’enquête PISA en 2000.

3 ans plus tard, le défi est relevé. Etrangers à nos inlassables concertations et malgré les résistances, les Allemands, région après région ont décidé de modifier dans ses structures l’organisation de l’Education :

  • Le bac en 13 ans dont ils étaient fiers se transforme en bac « Turbo » (12 ans à la française…)
  • L’école préélémentaire ne sera plus un «jardin d’enfants » mais remplira son rôle éducatif de préparation à l’entrée à l’école primaire (« à la française »…).
  • L’école de la ½ journée (supposant autrefois une maman disponible et à la maison…) sera remplacée par une école de la « journée entière » avec accueil pendant les repas («  à la française »…).

Pour financer cette dernière mesure, un budget de 4 milliards d’euros est mis à la disposition des Länder. L’usage de ce fonds est inégal selon les Länder mais tend à se développer grâce à une saine émulation entre eux.

·         Les Länder sont appelés à se différencier et à s’inspirer de leurs voisins européens. Ainsi le Schleswig-Holstein pourrait s’inspirer du modèle scandinave (tronc commun passant de 4 à 10 ans, pas de notation dans cette école de base, etc…)

Les Allemands sont passés en peu de temps de la conviction que l’on pouvait résumer ainsi « We are the best”, à celle que reprennent tout à tour les Ministres de l’Education : “We want to learn from the best !”.

Le plus souvent les pays à imiter sont les petits pays qui ont eu la chance de rénover plus vite et plus en profondeur, ignorant les pesanteurs des modèles français et allemands.

Ainsi la Finlande pourrait nous être d’un grand secours !

 

En France, outre les aspects de notre système cités précédemment, dont nous pouvons nous enorgueillir :

·         bac en 12 ans pour un grand pourcentage d’élèves d’une même classe d’âge.

·         école maternelle, qui fut de tous temps le « fleuron » de notre système.

·         accueil de tous les élèves (demi-pension, internat, avec encadrement par un personnel éducatif)

·         Evaluation diagnostique très élaborée (évaluation CE2/6ème/Brevet/ Baccalauréat)

il nous faut cependant admettre nos échecs :

Ø             Le « collège unique » ne saurait faire oublier la sélection qui s’opère et est simplement reportée de 11 ans à 16 ans sous couvert d’égalité des chances.

Ø             Si globalement l’écart entre les élèves français n’est pas dans les  comparaisons internationales, trop préoccupant, néanmoins, une observation plus fine montre que les résultats à la marge sont inacceptables :

·         8 à 9% des jeunes d’une classe d’âge sortent du système éducatif sans qualification et souvent sans la moindre gratification !

·         Le taux de chômage des moins de 25 ans est le plus élevé des pays développés.

·         Les meilleures de nos grandes écoles sont réservées aux enfants des enseignants du 2ème degré et des familles aisées. L’accès des enfants des classes modestes à ces mêmes formations a été divisé en valeur absolue par 2 ou 3 au cours des 20 dernières années.

·         L’orientation en Lycée Professionnel en fin de 3ème concerne très majoritairement les enfants issus de classes modestes.

 

En conséquence, nous devons :

·         améliorer la qualité de la formation de base : combattre l’illettrisme en favorisant la maîtrise de la langue française.

·         adapter l’offre de formation aux demandes des entreprises, en transformant l’enseignement professionnel.

Il est aussi urgent de prendre en compte certains échecs de notre système éducatif dans les domaines suivants :

·         l’apprentissage des langues vivantes.

·         l’enseignement artistique

·         l’enseignement scientifique

 

II.  POUR REFORMER UTILEMENT, IL FAUT DELEGUER AUX ACADEMIES :

v     L’organisation des enseignements : le Recteur doit définir ses priorités et engager sa responsabilité et celle de ses équipes académiques par rapport aux objectifs choisis :

 

Par exemple, selon les Académies, l’objectif prioritaire peut être :

·         l’adaptation de l’enseignement professionnel aux demandes des entreprises.

·         l’aide à l’autoformation de l’élève par l’utilisation des TICE.

·         l’apprentissage de la langue française.

·         l’apprentissage des langues vivantes.

Les Académies mènent déjà des politiques pédagogiques différenciées, ou tout au moins décrites comme telles. Toutefois sans une redéfinition des obligations et des missions des personnels enseignants par rapport à ces directives académiques, les « pôles pédagogiques » ne jouent pas leur rôle.

v     La Gestion des Ressources Humaines

Chaque Académie, chaque rectorat doit  définir les obligations professionnelles des personnels qu’il recrute

L’ensemble des corps d’inspection ainsi que les autorités académiques et départementalesdoivent avoir des responsabilités territoriales et non seulement fonctionnelles.

Ils doivent prendre part à la stratégie éducative. Leur action doit être évaluée en termes de résultats et non de missions.

Par exemple :

·         La mise en place des IDD dans tel bassin d’éducation, suivie de l’analyse des résultats  et d’un retour aux établissements.

·         L’élaboration, dans un autre bassin, avec les acteurs de terrain d’une charte du Professeur Principal.

Les obligations des enseignants doivent  pouvoir varier d’une Académie à l’autre en tenant compte des spécificités de chacune.

Ainsi dans l’Académie de Versailles les nombreux néo-titulaires pourraient recevoir un livret de compétences, à la sortie de l’IUFM, à faire valider conjointement dans les premières années d’exercice par les chefs d’établissement et les corps d’inspection.

Ainsi dans l’Académie d’Aix-Marseille, la compétence de personnels majoritairement en fin de carrière, pourrait être évaluée en fonction de l’engagement professionnel par rapport à des objectifs pluriannuels.

Il faut également renforcer les pouvoirs de l’encadrement intermédiaire, le groupe le plus important étant les chefs d’établissements et donc favoriser un travail en réseau, qui seul peut être efficace, un maillage avec l’échelon académique ou départemental, qui s’appuie sur une étroite collaboration et non sur la conception archaïque du contrôle de l’échelon immédiatement inférieur.

Nous ne sommes pas encore en mesure de supprimer l’inspection, dans sa forme actuelle, comme les Finlandais ont osé le faire en 1990, mais nous serions capables de promouvoir l’évaluation interne,  à condition de commencer par la première étape, l’évaluation  des compétences au sein de l’établissement, au lieu d’une évaluation sporadique d’heures de  cours.


III. UNE ORGANISATION ACADEMIQUE DES ENSEIGNEMENTS DOIT S’ACCOMPAGNER D’UNE REFONTE TOTALE DE LA FORMATION INITIALE ET DE LA FORMATION CONTINUE DES ENSEIGNANTS : DUREE ET CONTENUS DE FORMATION DOIVENT ETRE PROFONDEMENT MODIFIES.

Nous sommes les seuls en Europe, avec le Luxembourg, à recruter avant de former !

La formation actuelle est jugée trop théorique et trop brève par les intéressés et les « employeurs ».

Il nous faut former à l’Université des professionnels et non des spécialistes d’une discipline en 3 ans :

·         recruter les meilleurs (revoir les épreuves des concours de recrutement) (réinstaurer éventuellement le pré-recrutement – type IPES).

·         placer les professeurs  stagiaires, pendant deux ans en situation d’alternance entre le lieu de formation, (actuel IUFM) et le milieu professionnel (EPLE de tous types) afin de les responsabiliser progressivement.

·         par conséquent, introduire un service partagé pour les actuels formateurs des IUFM (enseignants–chercheurs) et une formation de formateurs pour les responsables d’établissement, engagés dans ce nouveau processus.

·         valider cette formation, la compléter tout au long de la carrière, en fonction des besoins du service.

La comparaison avec d’autres modèles européens et la prise en compte des recommandations des institutions européennes font apparaître la nécessité de développer de nouvelles compétences chez les élèves et donc chez leurs professeurs :

·         il faut les former au travail en équipe avec d’autres professionnels

·         les former à la relation avec les parents d’élèves, les entreprises, les partenaires culturels.

·         les former au travail avec des groupes d’élèves à besoins spécifiques

·         les familiariser avec la gestion et l’administration d’une organisation (telle qu’un établissement scolaire)

·         les préparer à la pratique de plusieurs langues vivantes et à l’utilisation courante des nouvelles technologies

IV.  L’AUTONOMIE DES ETABLISSEMENTS NE CONSTITUE PAS UNE FIN EN SOI. ELLE EST A CONSIDERER COMME LE MOYEN LE PLUS EFFICACE POUR MODERNISER LE SERVICE PUBLIC D’EDUCATION ET LE RENDRE PLUS PERFORMANT.

 

La mise en œuvre de la Stratégie Ministérielle de Réforme rend l’autonomie des établissements indispensable. L’attribution globale de moyens avec contrôle a posteriori implique une responsabilisation plus forte des acteurs de terrain, un pilotage décentralisé par objectifs et donc un  renforcement du pouvoir du Conseil d’Administration et du Chef d’établissement.

 

Si l’on s’inspire  des pratiques en cours  dans les autres pays européens, qui ont prouvé leur efficacité, on devrait également prévoir un statut d’autonomie pour les établissements du premier degré.

 

Les programmes doivent rester  nationaux, les diplômes également. L'autonomie de l’établissement est donc clairement délimitée. Elle doit s’exercer dans le mode d'organisation et la gestion :

·         financière

·         des moyens horaires

·         des ressources humaines

 

La gestion

v            Gestion financière

 

Nous étions en avance sur de nombreux pays en octroyant dès 1986 l’autonomie financière aux établissements..

 

Or les autres pays européens ont concédé d’emblée des marges de manœuvre bien plus larges aux chefs d’établissement et nous ont donc dépassés dans ce domaine.

 

En France, les relations entre l’établissement scolaire et les collectivités territoriales ne donnent pas satisfaction. Par exemple, les plans d’informatisation nous enferment dans les normes et les calendriers : l’établissement doit s’adapter aux votes du Conseil Général ou du Conseil Régional.

Or, c’est l’inverse qui devrait avoir lieu.  

Les EPLE ont ainsi été destinataires de riches dotations avant les élections de 2004 alors que les demandes de matériels informatiques étaient parfois restées, auparavant, en attente pendant plusieurs années.

v             Gestion des moyens horaires :

 

Il faut continuer dans la voie empruntée cette année pour la première fois : déléguer les moyens, contrôler a posteriori.

Pour donner une réelle marge de manœuvre aux établissements,  il faut récupérer les moyens là où ils sont gaspillés. Il faut donc obliger à évaluer les résultats.

Par ailleurs, il faut absolument sortir de l’équation :

1 professeur = 1 classe = 1 heure.

 

v            Gestion des ressources humaines :

 

Le Chef d’établissement doit rendre compte de l’utilisation des moyens mis à sa disposition. Il doit donc réellement évaluer ses personnels.

Pour ce faire, le chef d’établissement doit pouvoir :

Ø       Recruter

·         ses proches collaborateurs, (ex. secrétaire de direction) selon le profil de l’établissement qu’il dirige

·         ses professeurs (par rapport aux objectifs d’un projet  d’établissement spécifique, établi en prenant en compte les besoins des élèves, des partenaires internes (parents d’élèves) et externes (milieux professionnels)

La gestion des affectations des enseignants  doit être déconcentrée. Les postes à profil doivent se généraliser

Ø       Développer une culture organisationnelle :

·         Par la  fixation d’objectifs pluriannuels

La définition du service des enseignants à partir d’une grille nationale est obsolète. L’équipe de direction doit donc définir les services des enseignants en tenant compte des charges spécifiques acceptées par l’intéressé (ex : fonction de Professeur principal, responsabilité dans les TICE, formation des collègues, participation à la confection de l’emploi du temps, participation aux relations Ecole –Entreprise, participation au CESC, etc.…).

·         Par l’évaluation des personnels : une évaluation effectuée conjointement par les corps d’inspection et les Chefs d’établissements doit pouvoir permettre de sanctionner, le cas échéant,  de graves déficiences chez certains professeurs, lorsque les résultats des élèves sont compromis  et parfois même leur équilibre personnel menacé.

Ø      Elaborer le plan de formation :  à partir du projet pédagogique et des manques constatés chez les personnels

Ø      Déterminer une partie de la rémunération des personnels, en tenant compte de leur implication  et non seulement de leur ancienneté.

 

Mode d’organisation

v            Au niveau de l’établissement

 

Ø      Il faut d’abord modifier le fonctionnement du Conseil d’administration (confier le traitement des questions secondaires à un bureau  ou conseil pédagogique) et élargir les pouvoirs du Conseil d’Administration sur les 3 pôles d’activité suivants :

·         Projet d’Etablissement

·         DGH

·         Budget

 

Ø      Il faut promouvoir l’auto-évaluation.

C’est à partir d’un « diagnostic partagé »* que peut naître le sentiment d’appartenance et ensuite la volonté d’évolution et d’engagement.

L’EPLE est le lieu de l’évaluation,  à laquelle doivent être associés parents d’élèves et élèves. L’Inspection vient en complément, assurant un contrôle qualité.

*J’ai pour ma part utilisé à deux reprises un questionnaire d’auto-évaluation, émanant d’un projet européen,  portant sur toutes les fonctions de l’établissement. Il a été renseigné en 2000 et 2003 par les professeurs, les parents d’élèves, les élèves et l’équipe de direction.

 

v            Au niveau du bassin :

     Ce niveau de responsabilité n’est pas assez exploité actuellement. Il doit l’être davantage dans les domaines d’activités suivants : :

Ø      la gestion des ressources humaines : par exemple, pour l’identification des TZR, leur affectation, leur suivi pédagogique et leur évaluation.

Ø      la formation : l’organisation de stages de formation continue doit permettre de mettre en relation les enseignants et d’étendre leurs responsabilités à l’extérieur de l’établissement

Ø      l’orientation : les relations avec le bassin d’emploi doivent être développées et donner lieu à un réel partenariat, au service des élèves.

CONCLUSION 

Il est urgent de redéfinir les missions pour tous les niveaux de notre « hiérarchie ». Ce concept doit du reste disparaître, comme dans les organisations de  nos voisins européens, pour faire place à un encadrement basé sur une savante interpénétration du « leadership », du « management » et de l’« administration ». Dans notre institution, cette dernière pratique prédomine au détriment des deux autres. Il faut d’urgence moderniser notre fonctionnement  en revoyant les équilibres.


 

Dans son livre : "Virage européen ou mirage républicain? Quel avenir voulons-nous?", Nelly Guet démontre la sclérose du système éducatif français et fait des propositions européennes.